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HEIMWEH / MAL DU PAYS

Écriture collective / Gabriel Sparti

© Gabriel Murisier

ÉCRITURE COLLECTIVE Gabriel Sparti, Yann-Guewen Basset, Donatienne Amann, Karim Daher, Alain Ghiringhelli, Orell Pernot-Borràs
MISE EN SCÈNE Gabriel Sparti
JEU Donatienne Amann, Karim Daher, Alain Ghiringhelli, Orell Pernot-Borràs
CRÉATION LUMIÈRE ET SONORE Nora Boulanger-Hirsch
SCÉNOGRAPHIE Mathilde Cordier
COSTUMES Solène Valentin
DRAMATURGIE Yann-Guewen Basset
REGARD DRAMATURGIQUE Léa Romoli
RÉPÉTITEURS POUR LES CHANTS Émile Schaffner, Yann Hunziker
CONSTRUCTION DE DÉCOR Olivier Waterkeyn

PRODUCTION DÉLÉGUÉE Les Halles de Schaerbeek
COPRODUCTION L'Ancre – Théâtre Royal, Le Manège Maubeuge - Scène Nationale transfrontalière, Le Vent des Signes
SOUTIENS E.S.A.C.T. Conservatoire Royal de Liège, Théâtre de l’Elysée, Association Enscène / ENS Lyon, Théâtre de L’Oriental, Théâtre des 13 vents – CDN de Montpellier, Théâtre Sorano
DIFFUSION Prémisses

Ovni théâtro-musical

Curieux et inquiet de (ne pas) comprendre les habitants d’un pays trop policé pour être honnête, un flâneur invite trois spécimens à échanger autour de quelques questions simples. Ils n’iront pas plus loin que la première : « Qui êtes-vous ? ».
Mené par un quatuor d’interprètes virtuoses, jouant chaque soir avec de nouvelles identités improvisées, la pièce s’attaque, au-delà du petit pays neutre qu’elle prend pour exemple, à la paralysie poétique qui frappe nos sociétés si soucieuses de rester toujours correctes.

NOTE D’INTENTION

J’ai quitté la Suisse à vingt ans pour échapper à quelque chose que je ne comprenais pas, sous l’effet d’une sorte d’intuition, d’un instinct de survie. Dans le fond, j’ai quitté l’empêtrement mythique d’un imaginaire glorifiant la Suisse, la seule, l’unique, la calme, la belle, l’innocente, la consensuelle. Tout ce que j’ai fui est revenu m’obséder. Comme un besoin de comprendre mon héritage, ma structure, ma condition, et d’en faire autre chose qu’une simple réflexion personnelle.

Un jour, assis au bord du lac, sur la côte magnifique de la Riviera, je regardais les gens passer. une pensée m’est venue : « Il y a vraiment quelque chose qui cloche. » C’était trop beau. Les gens flânaient mais semblaient jouer. Ils étaient sans souci mais semblaient mentir. Ces montagnes éblouissantes de pureté voulaient m’empêcher de penser quelque chose. Qu’en est-il de l’obscénité du pays qu’elles encadrent ?

« Éduqués à mort », ces corps policés par une idéologie des « petites sagesses », du « bien-être » du « savoir-vivre » et de la « correction » refoulent jusqu’à dépérir toute possibilité d’en finir ou de déborder. Le citoyennisme moral confine à l’anesthésie. Au « trop de réalité » décrié par Annie Le Brun il y a vingt ans répondrait aujourd’hui un tranquillisant « trop d’éducation », affaire d’une Suisse toujours à l’avant-garde de l’austérité mortifère. Nous écrivons ce spectacle dans le sillage ou l’ombre portée de Mars de Fritz Zorn, romancier zurichois qui, à trente-quatre ans et sur son lit de mort, accusait une nation entière d’avoir naturellement provoqué son cancer.

J’ai le fantasme de pouvoir faire éprouver, grâce au plateau, la gêne des ces corps poussés à l’extrême limite du conformisme et de la retenue. Ceci pour instiller une question : que nous raconte cet apparent état de fait ?
Je cherche un endroit de tension entre espoir de l’évènement et non-évènement. Le fil narratif se tisse sur des esquisses d’actes ou de discours empêchés. Rien n’advient jamais chez ces Figures qui échafaudent une machine à annuler tout intérêt mais qui, par cet acte de refoulement, trahissent leur stratégie et inquiètent l’Étranger comme les spectateur·ices. Un tel degré de platitude intrigue au point de susciter des états de concentration et de curiosité intenses dans le public. En pure perte : il s’agit de travailler dans cet aller-retour entre le désir obsédant d’en apprendre plus et la déception constante face à qui n’a rien à dire ou ne peut rien avouer.

L’humour est ici central pour nous ; un humour moqueur, amoral. Nous partons de l’évidence du rire – son énergie nerveuse – plutôt que d’explications articulées et de discours au premier degré. L’impossibilité d’une conclusion explicite ou édifiante est un état de fait ironique (et tragique) : aucune solution au refoulement suisse ne nous apparaît. Ce constat nous est notamment inspiré du travail de l’historien Hans Ulrich Jost : il nous impose d’utiliser la dérision comme ultime moyen d’aveuglement conscient.

Sur le plateau, l’auto-censure et le désir de consensus sont poussés à un paroxysme insupportable. De là naît un état de tension chez les spectateurs, sciemment entretenu par les Figures : celles-ci jouent et déjouent l’attente nerveuse d’un aveu, d’une prise de parole substantielle. Par leurs diversions perverses et feutrées, elles s’échappent perpétuellement. Ce jeu trop petit, contraint, noyé par un trop-plein de douceur et de politesse crée un comique de crispation transformant lentement, à l’usure, les rires en frustration. Le public intègre tant bien que mal l’inéluctabilité de la situation.

Gabriel Sparti

TEASER


parle de ce spectacle sur son réseau.

10>13 oct • 19h30
Durée : 1h15