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SUTURÉ· ES

Laurie Guin / Marion Godon / Cie Maintenant ou Jamais

© Analyvia Lagarde

TEXTE Laurie Guin
MISE EN SCÈNE Marion Godon
Assitée de Elodie Guibert
JEU Valentin Clerc, Savannah Rol, Elsa Verdon
LUMIÈRES Louise Pia Jullien
CRÉATION SONORE Nathan Bloch
RÉGIE PLATEAU Camille Mazeau
SCÉNOGRAPHIE & COSTUMES Analyvia Lagarde
PRODUCTION & DIFFUSION Les filles du Jolivet

Rêver plus grand quand on est comme nous.

Audrey et Kelly ont quinze ans.

Elles vivent sur la diagonale du vide. Elles passent leur temps à traîner à l’ancien arrêt de bus de leur village, à refaire leur monde, à parler du silence de leurs parents et des mariages de leurs cousines, à craindre la « mauvaise réputation », et attendent avec impatience leur virée du samedi soir en boite de nuit. Autour d’elles gravite bruyamment la bande du coin : il y a Jérémy, la mascotte du club de foot local, qui « fait des plans dans sa tête » pour partir un jour. Il y a Caillou, ouvrier viticole taiseux, un peu persuadé que son destin est déjà tout tracé. Et il y a Le Jules, qui s’amuse de son statut social privilégié. Au milieu de tout ça, chacun·e vit ses petites et grandes tragédies.

Audrey et Kelly ont vingt-cinq ans.

Audrey est restée au village. Elle cherche à « se caser » et enchaîne les speed dating organisés dans sa région. Mais elle y retrouve toujours et fatalement Caillou. Elle croise aussi Jérémy, qui a quitté le village. Lui ne parvient pas à accepter qu’Audrey soit restée dans ce « paysage » qui la dévore. Kelly, elle, est partie. C’est comme si elle devait mettre le plus de terrains de foot possible entre son passé et sa nouvelle vie. Elle se débat maintenant avec son héritage familial et culturel, tente de s’en débarrasser pour s’intégrer dans des espaces où elle se sent inadaptée. Mais elle est hantée par le village et le souvenir d’Audrey, qui brille toujours dans sa mémoire en dansant la macarena.

Comment rêver « plus grand », quand on se sent tatoué·e par son paysage ?

→ La représentation du 27 janvier sera suivie d’un temps d’échange avec les artistes !

NOTE D’INTENTION

La question du déterminisme social a profondément guidé mon travail de mise en scène. Je me suis demandé en quoi le territoire sur lequel nous naissons et le milieu social duquel nous venons influaient sur nos corps, nos langues, nos interactions, nos rêves et nos désirs. Je voulais interroger les stigmates que laissent nos héritages sociaux et familiaux, les cicatrices qui peuvent hanter nos histoires, et la volonté de les maquiller, de dissimuler la honte et la mémoire. C’est ainsi que nous créons des personnages « suturé·es », comme marqués par leur territoire jusque dans leurs chairs. Le point de suture, c’est l’acte de rester ou de partir. Il ne s’agira jamais d’opposer les décisions, d’ériger l’une en modèle d’émancipation et de condamner l’autre. Au contraire, il s’agit de créer une dialectique. Tisser une fiction d’inspiration sociale pour l’amener dans le fantasmatique, l’onirique, le rire. Questionner nos attachements. Audrey, c’est peut-être moi, si j’étais restée ici ? Kelly, c’est peut-être nous, dans ce que nous camouflons de nos appartenances ?

La question des espaces a guidé le regard que je porte sur ces ruralités. Cette réelle anecdote du speed dating, aussi cruelle que tendre, reflète mon territoire, celui sur lequel j’ai grandi. C’est représenter les espaces de sociabilité genrés et ce qu’ils provoquent sur la langue et les corps : le bar, la boite de nuit, le terrain de foot, l’arrêt de bus, l’intérieur du foyer… autant de lieux invisibilisés où les silences et les mots s’affrontent, et produisent nos grands récits. C’est ce que je souhaite mettre en exergue ici, en interrogeant ce que provoquent l’enclavement et le quadrillage des espaces, entre ceux qui sont  » interdits  » aux filles, ceux qui conditionnent les garçons, ceux auxquels on ne s’autorise même pas à rêver en tant que fils et filles de prolétaires. Malgré ces frustrations, les personnages sont toujours dans le ludisme. A travers eux, leurs exagérations, leur burlesque, je voudrais exprimer ce que je considère être la fonction nécessaire du théâtre, art joyeux et populaire qui dialectise des rapports politiques.

Marion Godon

26 & 27 janv puis du 31 janv > 2 fev • 19h30
+ Matinale le 1er fév à 11h
Durée : 1h15