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PRATIQUE DE LA CEINTURE, Ô VENTRE

Vanessa Amaral / Cie Bleu Gorgone

TEXTE ET MISE EN SCÈNE Vanessa Amaral
JEU Vanessa Amaral, Sachernka Anacassis, Lisa Torres, (distribution en cours)
DRAMATURGIE Aurore Jacob
RÉGIE GÉNÉRALE & SCÉNOGRAPHIE Inês Mota
CRÉATION LUMIÈRE Myriam Adjallé
CRÉATION SON Anthony Clerc
Lauréat Prix Incandescence section maquette 2023 

(Sortie de résidence)

Et toi, t’écoutes ton corps quand ça va mal ?

Lors d’un examen gynécologique de contrôle, Amina, aide-soignante âgée de 35 ans, apprend qu’elle a une tumeur dans l’utérus. Son corps, appliqué au service d’autrui, s’exprime désormais et lui crie un mal-être latent sur lequel son quotidien ronronnait. Face à la voix du corps, parviendra-t-elle à s’écouter, se libérer d’entraves plus anciennes et enfouies…Et naître à elle-même ?

NOTE D’INTENTION

Pratique de la ceinture, ô ventre est une pièce dont le désir d’écriture est issu de la vie concrète.
De mes expériences de fille et de sœur afro-descendante.
De la découverte des tumeurs que constituent les fibromes utérins.
De mon admiration pour les métiers de la santé, esquintés par la sur-temporisation, les réductions de moyens et d’effectif.

De la volonté de représenter une fiction dont le personnage principal est une femme noire, où l’intrigue s’attache à sa subjectivité et que figurent parmi les seconds rôles sa famille.
La pièce suit le parcours d’Amina, aide-soignante de 35 ans, qui apprend qu’elle a une tumeur dans l’utérus. Cette nouvelle va la plonger dans une enquête intime des maux qui pèsent sur son ventre depuis le berceau.

Il m’est apparu que ce qui traverse ses différentes strates est le corps, qu’il soit individuel, familial, médical, que ce corps serait donc le lieu d’une parole méconnue et rarement audible, et ainsi en faire une expérience partagée et spectaculaire.

Pratique de la ceinture, ô ventre s’articule autour du personnage d’Amina et de 3 cercles-corps :
– le corps médical, qui la prend en charge dans sa maladie, le gynéco, l’infirmière, l’anesthésiste
– la famille, représentée par la mère, le père
parents, dégradés en agent de service hospitalier et faisant fonction d’aide soignant en quittant leur pays d’origine,

Bintou, la sœur, cadre infirmier,
Victor, le frère, vilain petit canard ayant quitté tôt le foyer et devenu artiste.
– et le cercle adelphe d’Amina, personnes avec lesquelles elle noue des relations sororales, solidaires et d’amour, Bintou, Victor, Loan une amie d’enfance souffrant d’anorexie boulimie.

On suit sa voix intérieure s’interrogeant sur cette partie du corps : le ventre.
Chaque scène vécue en interaction avec d’autres protagonistes est un zoom sur un épisode de vie fard que partage Amina, avant de revenir sur elle.
Le temps se situe de nos jours.

Je suis une lectrice et une interprète friande des écritures contemporaines. J’adore qu’on me raconte des histoires et je suis sensible au parcours extra-ordinaire de personnes communes. Les fictions du réel.
Au plateau, j’aime l’organicité, les situations de jeu spontanément théâtrale. Également la liberté de jouer avec les temporalités, les flash-back. Avec les acteurs par leur mouvement, les partenaires de jeu son et lumière, je mettrai en scène et nous écrirons ensemble dans les 3 dimensions.

La langue et le silence dans l’écriture
Je développe deux langues dans la pièce : une langue utilitaire, quotidienne, parfois technique cadrée par les situations dans lesquels se trouvent les personnages.
Et une langue introspective et poétique qui explore, développe, précise les sensations, dans la tête d’Amina.
Par exemple, la première scène d’auscultation par le gynéco mélange ces 2 langues :
la parole est contrainte par la situation qui induit une distribution des rôles et donc un texte distinct pour le soignant et le soigné.
La seconde langue se situe dans la tête d’Amina déroutée par cet examen médical.

La langue du quotidien ne permet pas de tout dire, de parler vraiment le silence en dit long
le mutisme travaille le corps qui somatise cette parole tue.
La pièce met en lumière les choses non dites et ce corps qui s’exprime.

Les scènes sont des fragments qui constituent l’histoire, les mots sont heurtés.
La langue parlée a été transmise par les parents, avec les carences, les injonctions et les valeurs. Au départ, la langue n’est pas une alliée, un espace de maîtrise.
Les personnages parviendront-ils à écouter leur corps ? Cesser de se censurer et parler ?

A mesure que la pièce avance, on évolue vers davantage de dialogue et de fluidité dans l’expression de la parole sortie du corps.
Pratique de la ceinture s’ouvre, en fin, sur une compréhension de ce qui nous entrave physiquement pour s’émanciper et exister pleinement.

En somme Amina doit (ré)apprendre à prendre la parole.
Les situations qui amorcent sa transformation sont l’intervention chirurgicale, ses échanges sororaux avec sa sœur et Loan, les flashs-back comme auto hypnose pour consulter l’enfance. Réparer physiquement et moralement, advenir à soi et au monde.
C’est une fiction en forme d’enquête intime ou parcours initiatique.

Le parcours d’une aide-soignante
Dans le corps médical, on retrouve une galerie de métiers, du soin au service à la personne,
de l’agent de service hospitalier au médecin. Autant de professionnels en blouse et uniforme endossant ces précieux métiers.
Une population largement féminine, en partie racisée et minorisée selon son grade.
Le métier d’aide soignant apporte les soins corporels au malade, à l’humain en difficulté, en perte d’autonomie. Il vient suppléer là où on ne peut pas ou on ne peut plus. Adoucir les plaies. Porter le corps. Maintenir le contact humain par la parole, le regard. Et au combien le toucher, qui est le sens que nous conservons le plus longuement au cours de la vie. C’est un métier essentiel.
Un métier qui nécessite une force physique et mental, un profond altruisme, une puissance. Je déplore qu’il soit dévalué comme une fibre féminine innée qu’on contracterait selon son genre, l’instinct maternel compris, et avec la grille de salaire qui s’ensuit.
Une majorité de femmes dont le travail est invisibilisé, une majorité de femme mal payées. A quand la valorisation du travail des femmes ?

En outre, Amina personnage principal de mon histoire souffre d’une pathologie dont l’existence est minimisée par les médecins. L’existence de la maladie, la douleur et les conséquences sur la vie.
Je veux parler de ça. De la nécessité de la connaissance de la symptomatologie liée au sexe. De la nécessité de l’accès aux soins pour les femmes à égalité avec les hommes.

D’une médecine pour et avec les femmes.
Les fibromes utérins sont des tumeurs bénignes qui se développent en fibres musculaires se gorgeant de sang. Pathologie pour laquelle les solutions de traitement sont symptomatiques. Toutefois, elles existent. Le diagnostic et le partage des solutions possibles se sont améliorés récemment. L’association Fibrome Info France milite pour, depuis 2011 et organisera le premier congrès français du fibrome utérin en juin 2023. Les résultats d’une étude médicale sortis en France en 2021 sont encourageants quant aux alternatives à la chirurgie, notamment avec l’embolisation des artères utérines et la préservation des fonctions ovariennes et reproductrices des femmes.

Au sein du corps médical, l’affection dont souffre cette aide soignante est un nouveau lieu d’invisibilisation. Je trouve important d’en parler et de le porter à la scène.

La représentation d’une femme noire
Je suis une spectatrice très enthousiaste, j’aime aller voir des spectacles dès que possible et je constate que peu de fables s’attache au parcours d’afro-descendants ? alors même que la diaspora africaine est très présente en France. Pour être concernée, je sais que ce métissage culturel d’une richesse apparente ? peut être complexe dans la construction de l’individu. Du point de vue des corps sous-représentés dans les imaginaires et associées à des situations sociales négatives, à la galère, au labeur, aux discriminations, à l’esclavage, aux colonies.
D’où mon envie d’avoir un personnage principal noir, de le prendre entier, avec les membres de sa famille, son ascendance, ses casseroles, et de le valoriser.
D’autres artistes, prenant part à ce défaut de représentation, m’y ont encouragé, lors de mes lectures, séances ciné ou au théâtre. Amandine Gay, Rebecca Chaillon, Léonora Miano, Penda Diouf, debbie tucker green. Je les en remercie.

Les usagers, « nous » public en regard
En passant du statut de soignante à soignée, le personnage d’Amina bascule dans le commun des mortels. Pour moi, la situation de détresse face à la maladie, le sentiment de solitude, la perte momentanée d’autonomie est universelle. Nous sommes plus ou moins accidentés, démunis, sujet du vieillissement. Parler de cette vulnérabilité, c’est marquer un trait d’union et sublimer les épreuves et la peur.
Cette fiction d’identification situe une femme souffrant d’une affection gynécologique, et concerne le plus grand nombre.
Quel signifiant porte le ventre aux différents âges de la vie? Quelle projection s’érige dans notre regard sur la fonction de cet organe selon notre âge, notre mode de vie, notre genre, le milieu social dans lequel on évolue? Ces questions traversent l’écriture de la pièce.

Pratique de la ceinture, ô ventre, c’est aussi ma première pièce de théâtre en cours d’écriture, le soin qui me tend à trouver mes propres mots pour raconter cette histoire et dire à mon tour. C’est entièrement mue par ce projet que je sollicite auprès de vous l’aide à l’écriture Beaumarchais.

Dans la perspective du plateau, je laisse la place pour chaque interprète au jeu organique, à l’humour des situations absurdes, à l’émotion en partage.

Références bibliographiques

Une poupée en chocolat, Amandine Gay (2021)
Suites décoloniales – s’enfuir de la plantation, Olivier Marboeuf (2022)
Beauté fatale, Mona Chollet (2012)
C’est mon corps – toutes les questions que les femmes se posent sur leur santé, Martin Winckler (2020)
Le site de Fibrome Info France, première association de patientes qui informe, sensibilise et accompagne les femmes et le grand public, fondée en 2011 par Angèle Mbarga.

10 mai • 14h
Durée : 1h10
Entrée libre, sans réservation