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MINOTAURE MAQUILLAGE

Tanguy Martinière / Cie Les Paillettes n’y sont pour rien

© Samuel Sotto

CONCEPTION, ÉCRITURE, MISE EN SCÈNE & JEU Tanguy Martinière
AIDE À LA MISE EN SCÈNE & DRAMATURGIE Jean-Albert Deron, Camille Legrand
SCÉNOGRAPHIE Margot Clavières
CHORÉGRAPHIE Camille Legrand
CRÉATION LUMIÈRE Bérénice Durand-Jamis
CRÉATION MUSICALE Arthur Frick

Procession sacrificielle pour ressusciter sa prostate.

Tous les 9 ans, des Athéniens et Athéniennes sont tiré·es au sort pour être sacrifié·es au Minotaure dans son labyrinthe. Aujourd’hui, c’est votre tour, public. Mais si vous voulez bien l’écouter, cette créature vous en apprendra beaucoup sur son étrange rapport au monde. Car le Minotaure est fatigué d’être un meurtrier, le Minotaure est fatigué d’être un monstre. Le Minotaure est une chanteuse de cabaret, le Minotaure est une disc jockey, le Minotaure est une tragédienne, le Minotaure est une strip teaseuse, le Minotaure est un squatteur, le Minotaure est un barbare, le Minotaure est une tafiole.

NOTE DE L’AUTEUR

Réécrire le mythe de Thésée et du Minotaure a été l’occasion de confronter une histoire ancienne avec notre société contemporaine. Que nous reste-t-il de ce mythe ? Comment l’éclairer avec nos problématiques actuelles ? Ce qui m’interpelle en premier lieu, c’est la confrontation entre un monstre (le Minotaure) et un héros (Thésée) le meilleur des hommes. En questionnement sur mon propre genre, je lis ce combat comme une tension entre la norme et la marge, l’hétéronormativité et la « queerness ». Si je rapproche le Minotaure de la marginalité c’est tout d’abord par sa condition d’exclu. Son isolement est la conséquence de sa dangerosité supposée et parce qu’il est marqué du sceau de la culpabilité : il est issu de l’union d’un taureau magique et de Pasiphaé, la reine de Crète envoutée par Cupidon pour punir le roi de Crète Minos d’un affront fait aux Dieux. A travers les événements de ce récit on observe déjà l’instrumentalisation du corps des personnes sexisées et la marque du patriarcat. A travers la mise en scène de ce mythe au théâtre, je vois un double-mouvement qui me paraît nécessaire pour à la fois ressentir et réfléchir au théâtre : le mythe opère comme un filtre qui fictionnalise les tourments de notre époque, et comme une loupe grossissante sur nos affects.

La violence est un sujet qui m’interroge énormément. J’ai la volonté de la sonder tant dans les situations que je donne à voir au plateau, que dans le style d’écriture que je propose. Il s’agit pour moi d’être sincère et reconnaitre cette violence en nous, celle qui complique notre désir de faire société ensemble. Influencé par le théâtre « grand guignol », l’expressionnisme allemand ou le mouvement « in yer face » et des aut.eur.rice.s tels que Dennis Kelly, Sarah Kane ou encore Mark Ravenhill, la violence au théâtre me parait être un acte important pour entreprendre un travail de fiction : mettre en scène un acte si violent qu’un décalage apparait, qui peut faire rire et aussi nous interroger sur nos propres mécanismes d’escalade de la violence. L’objectif de ce processus théâtral est de proposer une catharsis, la reconnaissance de nos maux, puis faire réfléchir. C’est un premier pas pour l’accepter en chacun.e de nous sans tricher et questionner comment on utilise cette violence.

La thématique principale que je souhaite traiter au plateau est l’échec à appartenir à une norme, et les stratégies déployées pour se raccrocher au monde malgré tout. Dans cette rencontre entre le Minotaure et le public, nous assistons au récit à la première personne d’un être qui subit une identité imposée et un isolement. L’issue pour se raccrocher au reste du monde est soit de donner raison à cette essentialisation en se conformant à ce que l’on attend de lui : agir comme un être brutal et irresponsable, soit de s’établir contre cette assignation et tenter de créer une autre voie : pour espérer être reconnu, le Minotaure doit avancer dans un labyrinthe d’injonctions liées à sa condition. Je souhaite également donner à voir cette fabrication du genre : sortir d’une binarité essentialisante qui oppose « homme » et « femme » en questionnant nos imageries du masculin et du féminin. Finalement, ce qui fait « mauvais genre » chez le Minotaure, ce sont les qualités viriles que l’on valorise chez les hommes, mais prohibées chez lui car on l’a assigné monstre. Si l’idée selon laquelle un être serait « coupable par essence » parait grotesque, cette sensation est familière à bien des êtres marginalis.é.e.s en raison de leur genre, de leur couleur de peau ou encore de leur attirance sexuelle supposée, et je souhaite profiter de cette situation concrète qu’offre le mythe pour m’emparer de cette sensation, la disséquer et tenter de me l’expliquer.

À travers l’analyse de ce monstre, en faisant de lui la parabole de celleux qu’on définit comme tel, nous interrogeons le processus par lequel ces êtres sont altérisé.e.s, rendu.e.s barbares. La seule voie possible pour être accepté.e.s semble de se soumettre à l’hégémonie en acceptant de mutiler sa dignité, son « vir », sa violence, son existence au premier degré pour n’être qu’un faire-valoir amusant qu’on tolère. Et si nous utilisions la violence que l’on essaie de nous retirer, une autre existence serait-elle possible ?

Mercredi 4 oct • 11h
Jeudi 5 oct • 19h30
Samedi 7 oct • 16h
Durée : 1h25